Il s’agit du projet le plus personnel de sa carrière: inspirée par la violence du monde, la grande colorature américaine propose un CD d’airs baroques sur la guerre et la paix, ainsi qu’une tournée mondiale de concerts exceptionnels. Première halte: Bruxelles. Interview d’une suprême virtuose combattante.

L'Echo

Un soir de novembre 2015, à Kansas City, Missouri. Assise devant le vieux piano paternel, Joyce DiDonato, 47 ans, se concentre sur une pile de soixante arias napolitaines rares. Sa mission? En sélectionner une dizaine, qui constitueront la base d’un prochain CD et d’une série mondiale de récitals. Son portable n’est pas loin: la mezzo-soprano américaine, l’une des voix coloratures les plus intenses et engagées de sa génération, attend encore des nouvelles de collègues européens, quelques jours après les attentats meurtriers de Paris. Tandis que son âme artistique s’applique à dénicher des pépites baroques, sa “tête tourne” et son “cœur pleure”, écrit-elle sur le blog de son site officiel, qu’elle alimente sans cesse d’une plume alerte. Mais, ce jour-là, le choix musical coince. Comment élire ces obscures mélodies anciennes, et les porter bientôt devant le public de vingt villes dans douze pays différents, quand le monde alentour est à feu et à sang? Comment trouver la paix, au milieu du chaos? Et là, soudain, lumière. De son propre répertoire surgissent Almirena, la captive du “Rinaldo” de Haendel, qui implore si douloureusement la liberté, et Sesto qui crie vengeance, dans “Giulio Cesare”, et aussi Didon qui se lamente, chez Purcell… Ces trois plaintes-là, en provenance directe des XVIIe et XVIIIe siècles, la supplient en quelque sorte “d’être entendues”. Alors, Joyce DiDonato contacte son éditeur, et prie qu’il ne la tue pas lorsqu’elle annonce son intention de changer le programme. Elle veut, dit-elle, chanter désormais “sur la guerre et la paix”. L’affaire est entendue.

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